A l'épreuve du climat
Les projets de la Commission européenne en matière de climat pourraient rayer de la carte un certain nombre de capacités de production.
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A partir de 2013, les industriels de l'azote européens et donc français seront soumis au système du marché européen des quotas de carbone pour la production d'ammoniaque et d'acide nitrique. Le projet initial de la Commission européenne est, sur la base de la directive Energie Climat, d'abaisser leurs émissions de CO2 de 75 %. Déjà, à ce stade, l'association des fabricants d'engrais européens estime qu'un quart des installations européennes devraient fermer.
Vers plus d'importation
Pour atteindre ce niveau de réduction de 75 %, les entreprises françaises ont investi plus de 150 M€ en R & D, ces trois dernières années, afin de poursuivre l'amélioration de leurs procédés de fabrication. Elles ont notamment mis au point de nouvelles générations de catalyseurs permettant de réduire de 60 à 70 % les émissions de protoxyde d'azote, et elles remplacent les ateliers de production obsolètes. Or, la Commission européenne a fixé un nouveau cap, évalué sur la base des émissions des 10 % d'entreprises les plus performantes, qui tend à durcir l'allocation des quotas de CO2 sur la période 2013-2020. En exigeant 90 % de réduction des émissions par rapport à 1990 (- 96 % pour l'acide nitrique et - 35 % pour l'ammoniaque), bien au-delà de l'effort des 75 % pourtant acceptés par les industriels, la Commission européenne fixe un objectif qui, dans 80 à 90 % des cas, les obligerait à acheter des quotas de CO2. Pour le porte-parole de l'Unifa, Gilles Poidevin, " dans l'état actuel des discussions, l'industrie européenne serait condamnée à acheter par tonne d'engrais azoté produite 1 à 2 t de quotas de CO2, soit 25 à 40 € en moyenne, ce qui renchérirait d'autant le prix de l'engrais ". Ainsi, les distributeurs seraient tentés de faire le choix de l'importation, notamment sous forme d'urée et de solutions azotées. Ce qui conduirait à stopper des capacités de production à partir de 2013, alors que 80 % des approvisionnements français sont européens, et donc à renforcer encore plus, dans un cercle vicieux, notre dépendance aux importations d'engrais !
Le carbone prend la fuite
D'autant plus que, sans compter le transport, la délocalisation de la production d'azote en dehors de l'Union européenne représenterait une " fuite de carbone " qui ne conduirait pas à la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre. De fait, les usines qui prendraient le relais sont loin d'être aussi éco-efficientes que les modèles européens. Le gaz naturel est la source la moins émettrice de CO2 pour produire de l'ammoniaque.
D'autres pays comme les Etats-Unis utilisent le fioul, une fois et demie plus émetteur de CO2, et d'autres comme la Chine, le charbon, deux fois et demie plus émetteur. Bref, une distorsion de concurrence inacceptable pour l'industrie européenne, d'autant que d'autres secteurs (transport, résidentiel) ont augmenté leurs émissions. Mais son action de lobbying commence à payer. Elle a, dorénavant, le soutien de quelques pays dont la France et l'Allemagne, et est moins alarmiste qu'il y a quelques mois. La Commission devrait ainsi revoir sa copie d'ici le 15 décembre, date de la validation de son projet par le Conseil des ministres européens.
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